Quels sont les enseignements tirés de l’expérience de 2 ans de dessalement à Chtouka et où résident les principaux défis techniques et opérationnels de la station? Selon Abdessalam Joulid, directeur régional de l’ONEE-Branche Eau à Agadir, le dessalement ne date pas d’aujourd’hui au Maroc.
Les premières expériences avaient été montées avec succès dans les provinces du Sud il y a 47 ans. Depuis 1977, l’ONEE a développé au fil des ans une forte expertise dans ce domaine. Ce qui a permis de maîtriser la conception, la réalisation et l’exploitation d’un certain nombre de stations. L’ONEE a également à son actif la réalisation de la station d’Agadir dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). La station d’Agadir a été mise en service en 2022, dans un contexte précis et opportun dans la mesure où elle a permis de résorber le déficit durant les premières années de sécheresse qui ont aussi connu des coupures d’eau dans la capitale du Souss et la région.
«Cette nouvelle station d’Agadir est vraiment innovante car elle a pu capitaliser sur l’ensemble des expériences menées par le passé depuis 1977. Ce qui a permis des gains considérables en termes de maîtrise des coûts, avec l’adoption des dernières innovations technologiques de l’osmose inverse, les membranes, des systèmes de récupération d’énergie, et un nouveau procédé de captation et prise directe de l’eau depuis l’océan», explique Abdessalam Joulid.
1er projet à adopter le système de prise directe depuis l’océan
La station de dessalement d’Agadir est opérationnelle depuis deux ans. C’est donc un peu prématuré de dresser un bilan exhaustif des difficultés et des défis à relever. Mais les premières expériences renvoient à un certain nombre de constats et de défis. «Elle permet de résorber les déficits pour l’eau potable, les besoins industriels et l’irrigation, avec des performances mesurables à la fois en termes de quantité et de qualité. C’est une eau potable qui respecte toutes les normes de la qualité», assure le directeur de l’ONEE Agadir (Branche Eau). Pour s’assurer de la qualité de l’eau, les équipes de l’Office envoient des rapports quotidiens, avec des mesures précises sur des paramètres tels que la quantité, la qualité, le goût...
Pour ce qui est des défis de la station de dessalement, premier projet au Maroc à adopter le système de prise directe depuis l’océan, c’est le manque de composantes en énergies renouvelables. «Nous travaillons là-dessus. Mais dès le départ, cette station n’a pas été conçue avec la prise en compte des énergies renouvelables contrairement à celle de Dakhla et Casablanca. C’est un paramètre qui est en cours d’étude et sera pris en considération dans la phase d’extension de la station», signale Joulid.
Le souci de la durabilité
Aujourd’hui, la notion de durabilité s’impose dès la conception des stations de dessalement. Surtout dans un pays comme le Maroc qui compte 14 stations en cours de construction, ainsi que 16 autres programmées. Plus encore, la question de rejet de la saumure requiert des techniques pour la préservation de la biodiversité et de l’espace marin. «Nous devons faire très attention à ne pas impacter nos ressources halieutiques», relève Rachid Medah, directeur de l’Agence du bassin hydraulique Souss Massa. Du coup, des études d’impact s’imposent pour évaluer tous les risques possibles et imaginables au niveau de l’espace marin. Les résultats permettent de réajuster de façon à faire des rejets dans les normes, dans le respect des équilibres de l’écosystème.
Volet RH et veille technologique
L'exploitation des stations de dessalement est une spécialité qui nécessite des ressources humaines hautement qualifiées, ainsi que la prise en compte des mutations technologiques et des innovations. «La question des ressources humaines se pose avec acuité, non seulement en termes de main-d’œuvre qualifiée, mais surtout d’ingénierie de pointe. Des initiatives ont été menées dans ce sens par l’Ecole Hassania et l’IAV (Institut agronomique et vétérinaire). Mais il va falloir monter des filières dédiées au dessalement ainsi que la formation en grand nombre de techniciens spécialisés. Le défi est de monter en régime avec un transfert de savoir-faire et de technologie afin de pouvoir prendre en charge l’ensemble des stations programmées», insiste Rachid Medah. De nombreuses innovations existent dans le domaine du dessalement et qui nécessitent une veille technologique et juridique ainsi que sur d’autres aspects à caractère environnemental, la durabilité..., soutient le directeur de l’ONEE Agadir (Branche Eau). Il faut aussi améliorer les ouvrages de transport et d’adduction car le dessalement s’opère à Chtouka Aït Baha pour une eau qui est consommée à 44 km de la station, à Agadir.
A.R.