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En marche vers l’égalité, comment le monde onusien se féminise

Par Laurence Bézaguet | Edition N°:6036 Le 21/06/2021 | Partager

Pour la première fois de l’histoire, c’est une femme, Tatiana Valovaya, qui pilote l’ONU Genève. Trois dirigeantes-OMC, ITC et CNUCED-se partagent, elles, la gouvernance du commerce mondial.

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L’ascension des femmes contribue à renouveler l’image de la Genève internationale-et de ses grandes négociations planétaires dites «multilatérales» -dont le rôle même a été mis en cause par les Etats-Unis. Un système onusien qui s’engage depuis des années à promouvoir l’égalité homme-femme (Ph. AFP)

Les hommes en costume-cravate semblent encore les maîtres du monde. Au 1er janvier 2021, près de 6% des chefs d’Etat élus (9 sur 152) et 6,7% des chefs de gouvernement (13 sur 193) étaient des femmes. Ce rapport de force pourrait-il changer? En tout cas, l’Office des Nations Unies semble bel et bien en marche vers l’égalité. Et plus particulièrement à Genève, où il a fallu pourtant attendre le 6 mars 1960 pour que les femmes obtiennent le droit de vote et d’éligibilité… Cette petite piqûre de rappel faite, l’économiste, journaliste et diplomate russe, Tatiana Valovaya, dirige depuis mai 2019 l’ONU Genève. Une grande première dans la sphère onusienne.

Ce n’est pas la seule grande institution pilotée par une femme. Le 1er mars dernier, la docteure nigériane Ngozi Okonjo-Iweala est devenue la première femme-qui plus est, la première Africaine-à prendre les commandes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), riche de 625 fonctionnaires. Sa nomination a suivi de cinq mois celle de la Jamaïcaine Pamela Coke-Hamilton à la tête du Centre du commerce international. Souvent désigné par son acronyme anglais ITC, comptant 120 collaborateurs, sa mission consiste à aider les PME de pays en développement à mieux exporter.

Cette conquête égalitaire ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) pourrait, elle aussi, bientôt être dirigée au féminin. Elle l’est d’ailleurs déjà, à titre intérimaire. «Ce but n’est pas encore tout à fait atteint, mais il est probable que le secrétaire général-le Portugais Antonio Guterres-ait à cœur de privilégier une candidature féminine à la CNUCED. Depuis sa prise de pouvoir il y a quatre ans, il a vraiment fait avancer la cause. Je ne serais d’ailleurs pas surprise qu’une femme lui succède», confie Isabelle Durant, ancienne vice-première ministre belge qui, depuis le 15 février, pilote de façon temporaire cette agence onusienne forte de 480 collaborateurs.

Un patron en quête de parité

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Antonio Guterres estime urgent, en effet, de réaliser la parité des sexes à l’Organisation des Nations Unies: «C’est l’une des priorités que je me suis fixées. C’est un devoir moral ainsi qu’une nécessité opérationnelle. Par une véritable inclusion des femmes dans les procédures décisionnaires, nous pourrons obtenir des gains d’efficacité et de productivité, profiter de nouveaux points de vue et découvrir de nouvelles solutions, disposer de meilleures ressources et déployer des efforts plus efficaces pour les trois piliers de notre action. »

Et ce ne sont pas que des mots alors que le secrétaire général de l’ONU compte 53% de femmes parmi ses secrétaires généraux adjoints, et qu’il engage aussi souvent qu’il le peut des candidates à des postes importants. Or celles-ci ne sont-elles pas l’arbre qui cache la forêt? Qu’en est-il de la féminisation dans les couches inférieures? En 2017, les Nations Unies comptaient 55,9% d’hommes et 44,1% de femmes; le pourcentage de ces dernières n’était que de 36,3% en 2003. On le voit bien: la parité progresse, même si parmi les hauts fonctionnaires, les hommes dominent encore largement les débats (66,3%).

Si l’on considère un secteur économique à connotation plus masculine, la CNUCED compte 31% de femmes au niveau directorial (34% pour l’ensemble des professionnels). «Il reste une marge de progression que je m’attelle à faire avancer à chaque recrutement», indique Isabelle Durant. Contrairement à ce que l’on entend trop souvent, elle estime que le secteur économique ne manque pas de compétences féminines. Ce sont les biais inconscients qui font qu’émergent davantage d’hommes que de femmes dans les processus de recrutement. «Le leadership, ce n’est pas que la force mâle, c’est aussi savoir réunir ses équipes, faire preuve d’empathie et de respect».

Pour illustrer encore le phénomène de féminisation en cours, la directrice générale de l’OMC vient de nommer (le 4 mai) ses quatre adjoints, dont deux femmes-l’Américaine Angela Ellard et la Costaricaine Anabel González -, là encore une première pour l’institution: «Cela souligne mon engagement à renforcer notre organisation avec des dirigeants de talent tout en arrivant à équilibrer les genres au sein de la direction». Parmi les cheffes de file des organisations internationales, on peut citer également la patronne de l’ONUSIDA, nommée en 2020: l’ingénieure aéronautique et femme politique ougandaise, Winnie Byanyima.

L’ascension de ces femmes contribue, à n’en pas douter, à renouveler l’image de la Genève internationale-et de ses grandes négociations planétaires dites «multilatérales» -dont le rôle même a été mis en cause par les Etats-Unis. Un système onusien qui s’engage depuis des années à promouvoir l’égalité homme-femme. Et qui a accéléré le rythme dès 2015, l’ONU adoptant alors 17 objectifs en faveur du développement durable, dont le cinquième prône l’égalité des sexes.

                                                                   

«Le post-covid devra passer par les femmes»

Toutes ces nominations sont «bien plus qu’un signal», estime la responsable ad interim de la CNUCED: «Une femme ne négocie pas de la même façon, elle est plus attentive à le faire dans l’enceinte même où les discussions se tiennent, détaille Isabelle Durant. Et puis d’une manière générale, nous les femmes, sommes plus libres dans notre manière de travailler. N’ayant pas d’héritage du passé, nous avons tout à prouver. Nous avons carte blanche mais sommes attendues au tournant». Et notamment dans la gestion actuelle de la crise du Covid-19, car les pandémies creusent et accentuent les inégalités existantes.
Explications d’Isabelle Durant, qui a débuté en politique au sein du parti écolo belge au début des années 90: «Nous pensons que le post-covid devra passer par les femmes. Ce n’est pas qu’une question de PIB, c’est aussi une affaire de capital humain et de liant. Les femmes sont plus soucieuses de la communauté; elles peuvent apporter leur touche plus engagée sur l’économie de soins. Il faut inclure les femmes et les organisations de femmes au cœur de toute action relative à la Covid-19». Et bien sûr de façon plus large en général.
Le forum de haut niveau politique-qui se tient chaque année en juillet à New York-examine l’avancement des 17 objectifs de développement durable, dont celui de la parité fixé par l’ONU, qui peut-on l’a dit-compter sur un défenseur de poids en la personne de son secrétaire général Antonio Guterres. Mais aussi sur Tatiana Valovaya: «En tant que première directrice générale de l’Office des Nations Unies à Genève, et ayant travaillé dans des sphères à prédominance masculine pendant de nombreuses années, j’ai pour objectif ultime que les femmes et les hommes bénéficient de l’égalité des chances dans mon organisation et au-delà. Il est clair que nous n’atteindrons aucun de nos objectifs si la moitié de l’humanité est laissée de côté».
Le secteur économique abonde par la voix du patron de la Fédération des entreprises romandes de Genève (FER Genève). «Plus une société est mixte (genre, âge, origine), plus elle est performante», assure régulièrement Blaise Matthey.

 Par Laurence Bézaguet,
Tribune de Genève (Suisse)

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Cet article est publié dans le cadre de «Towards Equality», une opération de journalisme collaboratif rassemblant 15 médias d’information du monde entier mettant en lumière les défis et les solutions pour atteindre l’égalité des genres.