Professeure associée à la faculté de droit de l’Université de technologie de Sydney et spécialisée dans les droits de l’Homme, le Prof. Beth Goldblatt estime que les aides financières gouvernementales devraient être associées à un système universel de garde d’enfants pour réduire les inégalités entre les genres.
Alors que les confinements successifs ont transformé nos logements en bureaux durant la pandémie de Covid-19, les femmes qui travaillent ont ressenti plus de pression que jamais, ce qui nuit grandement à l’égalité des genres.
La crise du nouveau coronavirus a conduit les femmes à perdre leur emploi plus rapidement que d’ordinaire, selon l’institut McKinsey. Elle a également mis en lumière de façon inédite les inégalités liées à la «charge mentale» qu’elles ressentent en combinant leur emploi et les tâches domestiques et de soins – des missions qui restent à leur charge de manière disproportionnée.
Beth Goldblatt, professeure associée à la faculté de droit de l’Université de technologie de Sydney et spécialiste des droits de l’Homme, affirme que, dans ce contexte, les gouvernements devraient fournir aux femmes une bouée de sauvetage. Elle alerte toutefois sur le fait qu’une aide financière seule ne suffira pas pour réduire les inégalités entre les genres, aggravées par la crise sanitaire.
- La pandémie de Covid-19 a particulièrement frappé les femmes. Que pourraient faire les gouvernements pour atténuer les inégalités entre les genres lorsque les cas de contamination grimpent en flèche, comme c’est actuellement le cas au Brésil?
- Beth Goldblatt: La pandémie du nouveau coronavirus a mis en évidence l’importance de fournir des services de garde d’enfants abordables et de qualité, si nous voulons que les femmes puissent se rendre au travail. Mais il ne s’agit pas seulement d’alléger leur fardeau. Il faut que la société reconnaisse que la garde d’enfants est une question sociale pour les hommes et les femmes en âge de travailler, et qu’elle relève autant de la responsabilité de l’État que de celle des citoyens.
Pendant une crise sanitaire comme celle que nous traversons, la sécurité sociale devient primordiale. C’est pourquoi le Brésil et de nombreux autres pays dans le monde ont mis en place des mesures de sécurité sociale d’urgence, en lançant de nouvelles aides financières et en prenant en compte le besoin d’offrir une sorte de filet de sécurité à ceux qui perdent leurs revenus et leurs moyens de subsistance. La pandémie a clairement mis en évidence cette nécessité.
Nous savons que le chômage n’est pas un choix personnel; c’est une caractéristique structurelle de notre modèle économique et de notre société. Nous avons donc besoin de ressources publiques pour subvenir aux besoins des gens. Pour moi, ce n’est pas seulement un choix politique mais un droit humain.
- Comment le système de sécurité sociale a-t-il fonctionné en Australie pendant la pandémie?
- Il existe un filet de sécurité sociale en Australie, mais les allocations chômage sont bien inférieures aux autres aides sociales existantes comme les pensions de retraite ou d’invalidité.
Pendant la pandémie, le gouvernement a constaté que le chômage a soudainement grimpé en flèche et il a alors décidé d’augmenter ses prestations sociales pour que les gens puissent subvenir à leurs besoins. C’était suffisant pour survivre, les gens étaient satisfaits. Il est aussi prouvé que cela a contribué à soutenir l’économie australienne en permettant aux plus pauvres de dépenser de l’argent dans leurs communautés. Mais depuis, ces aides financières ont considérablement baissé, et de nombreuses personnes vont à nouveau se retrouver en dessous du seuil de pauvreté.
- En 2017, une ONG australienne pour les mères célibataires, le National Council of Single Mothers and their Children, a porté plainte auprès de l’ONU en soutenant que les coupes budgétaires affectant les allocations réservées aux parents seuls étaient en violation avec les droits de l’Homme. Ces restrictions peuvent-elles être considérées comme une forme de discrimination sexiste?
- L’organisation a déposé une plainte auprès du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Cedaw) des Nations unies, en affirmant que l’Australie avait violé les droits de ses membres en réduisant le montant de l’aide au revenu accordée aux parents isolés.
Les recherches montrent que les enfants australiens vivant dans des foyers monoparentaux sont les plus pauvres du pays; et que la plupart des parents isolés sont des femmes, ce qui constitue une forme de discrimination sexiste. C’est également une question de droits de l’Homme.
Les instruments relatifs aux droits de l’Homme stipulent que l’on ne peut pas revenir sur les droits des personnes à moins de disposer d’arguments très convaincants, expliquant pourquoi il est impossible de les faire respecter. Et les gouvernements n’ont pas démontré de manière convaincante qu’il était nécessaire de supprimer ces prestations sociales.
- Vous avez écrit un article sur le revenu de base universel, le genre et la Covid-19, dans lequel vous dites que les féministes sont divisées sur l’importance de ce dispositif pour l’égalité des genres. Pourquoi cela?
- L’idée fondatrice du revenu de base est qu’il est universel et que la même somme d’argent est versée sans condition à tous les membres de la société, hommes et femmes confondus.
Si certaines féministes pensent que c’est une très bonne idée de le mettre en place, car il supprimerait toutes les charges auxquelles les femmes sont confrontées en essayant d’accéder à la sécurité sociale, d’autres disent que cela ne changerait rien au fait que les femmes s’occupent de la plupart des tâches domestiques.
Interview réalisée par Angela Boldrini