×
 Rappel à l’ordre
Rappel à l’ordre Par Mohamed CHAOUI
Le 24/01/2025

Les partis de la coalition gouvernementale sont entrés dans une zone de fortes turbulences. La sérénité et l’homogénéité dont se prévalait le chef du... + Lire la suite...

Recevoir notre newsletter
User logged in | L'Economiste

Donald Trump et l’Iran: Confrontation ouverte ou accord surprise?

Par Kevan GAFAÏTI | Edition N°:6929 Le 16/01/2025 | Partager

Kevan Gafaïti est enseignant à Sciences Po Paris et président-fondateur de l’Institut des relations internationales et de géopolitique (IRIG).

Tout de sa politique de son premier mandat à ses déclarations de campagne, en passant par les nominations dans sa future administration semble annoncer que, dès son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump va relancer une confrontation ouverte avec l’Iran. Pourtant, avec Trump, une surprise n’est jamais à exclure. «L’Iran est l’État qui sponsorise le plus le terrorisme» et l’accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien (ou JCPOA, pour Joint Comprehensive Plan of Agreement) était «le pire accord jamais conclu», assénait le 8 mai 2018 Donald Trump, alors président des États-Unis.

Alors que Donald Trump s’apprête à revenir à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain, le Moyen-Orient constituera évidemment une des priorités de ce second mandat. En tête de proue: les activités nucléaires de l’Iran, lequel assure constamment que son programme n’a qu’un versant civil et est uniquement destiné à un usage domestique et pacifique. Washington et bon nombre de ses partenaires ont toujours estimé que l’Iran pourrait en réalité chercher à se doter d’une arme nucléaire, notamment en soulignant que l’enrichissement de l’uranium auquel sont parvenus les Iraniens se situe bien au-delà des seuils nécessaires pour un usage civil: autour de 60 % en décembre 2024 selon Rafael Grossi, directeur de l’Agence internationale pour l’Énergie atomique, l’AIEA, alors qu’un programme civil ne requiert que 20%.

Avec le retour de Donald Trump, qui intervient après quatre années durant lesquelles l’administration Biden a cherché, sans grand succès, un apaisement avec la République islamique, une nouvelle montée des tensions entre les deux États, qui aurait des conséquences régionales majeures, paraît très probable; il ne faut cependant pas écarter complètement la possibilité qu’un nouvel accord soit conclu…

trump-et-liran-029.jpg

Le programme nucléaire iranien: un contentieux ancien et toujours brûlant

La simple évocation de l’Iran amène quasi automatiquement à aborder son programme nucléaire. Depuis les révélations d’août 2002 sur ses sites de recherche cachés à Arak et Natanz, de nombreuses chancelleries s’inquiètent d’une hypothétique dualité des activités nucléaires, c’est-à-dire du risque que celles-ci soient à but civil mais aussi militaire. Le programme nucléaire iranien remonte en réalité aux années 1950, époque où le Shah d’Iran cherche à se doter de l’énergie atomique, avec le soutien des États-Unis mais aussi de la France, alors grande exportatrice (et donc État proliférateur) de réacteurs nucléaires.

La Révolution islamique de 1979 marque un coup d’arrêt, les révolutionnaires voulant afficher une rupture complète avec l’ensemble des chantiers politiques lancés par le dernier roi d’Iran. En août 2003, une fatwa (avis juridique émis par une autorité religieuse sur un point précis) émanant du Guide suprême Ali Khamenei vient même attester que l’arme nucléaire serait haram (c’est-à-dire contraire à la religion musulmane), du fait de son caractère non discriminatoire entre civils et combattants.

usa-iran-029.jpg

Pourtant, les activités nucléaires de l’Iran dévoilées à la communauté internationale en 2002 font croire, notamment aux Américains et aux Européens, que Téhéran pourrait chercher à se doter de l’arme nucléaire, ce qui constituerait une violation du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968, dont l’Iran est partie. L’Accord sur le nucléaire iranien, le JCPOA, était venu mettre un terme à cette crise en 2015: dans ce cadre, les activités nucléaires iraniennes étaient réduites et strictement contrôlées, en contrepartie d’une levée progressive des sanctions économiques imposées à Téhéran par les pays occidentaux dès 1979 par Jimmy Carter et renforcées par la suite, spécialement accrues depuis les révélations sur le programme nucléaire en 2002.

Cependant, le 8 mai 2018, Donald Trump a unilatéralement quitté le JCPOA, estimant que l’accord était «inacceptable», malgré les onze rapports de l’AIEA attestant du respect par l’Iran de ses engagements. S’en est alors suivie une longue phase de déclarations, de menaces et de montée des tensions, qui a presque culminé en un conflit ouvert après l’assassinat du général iranien Ghassem Soleimani ordonné par Trump en janvier 2020. Avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, les négociations sur le nucléaire iranien ont rapidement repris à Vienne, avec l’espoir d’aboutir à un «JCPOA 2.0», en vain. Très peu d’informations tangibles ayant été révélées concernant ces négociations tenues à Vienne, différentes pistes sont évoquées: refus de Biden de lever les sanctions réimposées par Trump (préalable non négociable pour Téhéran), posture iranienne floue sur les attendus précis des négociations, changement de priorité pour Moscou depuis la guerre en Ukraine…

irans-usa-029.jpg

L’élection de Massoud Pezeshkian à la présidence iranienne en juillet 2024 et sa posture ouverte au dialogue «avec l’Occident», plus souple que celle de son prédécesseur Ebrahim Raïssi (président de 2021 à sa mort dans un accident d’hélicoptère le 19 mai 2024), n’a pas fondamentalement changé la situation. C’est dans ce contexte que Donald Trump reprend le pouvoir à Washington et annonce un retour à sa politique maximaliste face à Téhéran.

                                                                

La forte probabilité d’une confrontation exacerbée

trump-029.jpg

Le retour de Donald Trump à la Maison- Blanche devrait entraîner une continuation des orientations politiques de son premier mandat (2017-2021) plutôt qu’une rupture avec celles-ci. La maximum pressure policy devrait donc à nouveau être à l’honneur. Trump considère toujours l’Iran comme un État déstabilisateur, voire terroriste, avec lequel la voie à privilégier n’est assurément pas la négociation, mais plutôt l’utilisation du hard power (c’est-à-dire l’usage de sanctions économiques et, le cas échéant, de la force armée). L’analyse des nominations déjà officielles ou pressenties pour la seconde administration Trump semble confirmer la mise en place d’une stratégie offensive à l’encontre de l’Iran et particulièrement favorable à Israël, son rival régional, que l’ex-futur président soutient totalement sur tous les dossiers, y compris dans celui de la guerre actuelle à Gaza.

Lors de son premier mandat, il s’était entouré d’une administration parfaitement alignée avec ses vues et partisane d’une posture hostile envers l’Iran, sans écarter l’option militaire (à l’image de l’ambassadeur américain à l’ONU John Bolton, du secrétaire d’État Mike Pompeo ou encore d’Elliott Abrams, représentant spécial pour l’Iran entre 2019 et 2021). La prochaine administration ne devrait pas adopter une stratégie différente, puisque les personnalités qui la composeront sont sur la même ligne concernant l’Iran. Les nominations de Marco Rubio au poste de secrétaire d’État, de Pete Hegseth au secrétariat à la Défense ou encore de Mike Huckabee comme ambassadeur américain en Israël confirment cette tendance.

Face à ce retour certain de la maximum pressure policy, l’Iran se trouve actuellement en moins bonne posture que pendant les négociations pré-JCPOA de 2015. Son économie est affaiblie par les sanctions économiques américaines, et tangue entre inflation et récession. D’un point de vue régional et stratégique, ses différents partenaires enchaînent les déconvenues: la République islamique a été attaquée à plusieurs reprises directement sur son sol par l’État hébreu; en Palestine, le Hamas continue de fléchir sous le feu israélien; au Liban, tous les cadres historiques du Hezbollah ont été assassinés par Tel-Aviv; en Syrie, Bachar Al-Assad a fui le pays et s’est réfugié à Moscou. La montée en puissance des BRICS+, groupe auquel l’Iran appartient depuis début 2024, et l’approfondissement de sa relation avec la Russie et la Chine, ne sauraient contrebalancer ces éléments. Téhéran appréhende donc la future politique américaine à son encontre.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

the-conversation.jpg