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Le patrimoine culturel immatériel, un levier pour l’économie marocaine

Par Eric FALT | Edition N°:6607 Le 27/09/2023 | Partager

Eric Falt est directeur du bureau de l’Unesco pour le Maghreb (Ph. Unesco)

Le Maroc est renommé pour la richesse et la diversité de son patrimoine culturel immatériel, ancré dans l’histoire du pays et imprégné de traditions ancestrales. Au-delà de sa dimension sociétale et historique, ce patrimoine revêt également une valeur économique significative, favorisant l’emploi, le développement des ressources des communautés et la promotion du tourisme durable.

Pour l’Unesco, ce que l’on entend par «patrimoine culturel immatériel» comprend les traditions orales, les expressions artistiques et les pratiques sociales perpétuées depuis des temps immémoriaux, mais aussi bien sûr les savoirs et savoir-faire séculaires liés à l’artisanat et aux arts populaires, transmis de génération en génération.

Le patrimoine culturel immatériel ne se limite pas à un héritage du passé, mais comprend également les traditions et pratiques contemporaines qui reflètent les caractéristiques de notre époque actuelle. Sa particularité réside dans le fait qu’il est à la fois l’expression de traditions séculaires mais aussi de pratiques actuelles, formant ainsi un témoignage de l’évolution de notre société à travers le temps.

Avec un chiffre d’affaires à l’exportation enregistrant une valeur dépassant un milliard de dirhams, l’artisanat marocain, en particulier, joue un rôle primordial dans l’économie nationale. Qu’il s’agisse de poterie, de tapis ou de broderie, en passant par d’autres formes d’artisanat dont certaines demeurent peu connues bien que porteuses d’une créativité et d’une ingéniosité exceptionnelles, cette partie du patrimoine immatériel contribue considérablement à l’économie locale et nationale.

Selon l’Unesco, la transmission intergénérationnelle de ces savoir-faire ancestraux doit donc être placée au cœur de nos préoccupations et notre organisation travaille en étroite collaboration avec le gouvernement marocain depuis plusieurs années pour préserver et promouvoir les traditions, valoriser le savoir-faire des artisans et assurer la transmission des compétences.

Un programme novateur, que nous venons de lancer avec le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie sociale et qui s’étalera sur cinq ans, vise à soutenir la valorisation et la passation d’une trentaine de métiers ancestraux menacés aux plus jeunes. A travers ce projet, qui est une nouvelle étape de la coopération engagée avec le ministère depuis sept ans, nous accompagnons également les institutions publiques à former des jeunes apprentis et ainsi ouvrir de nouvelles perspectives de développement et d’emploi.

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Qu’il s’agisse de poterie, de tapis ou de broderie, en passant par d’autres formes d’artisanat dont certaines demeurent peu connues bien que porteuses d’une créativité et d’une ingéniosité exceptionnelles, cette partie du patrimoine immatériel contribue considérablement à l’économie locale et nationale

Tout en garantissant la continuité et l’évolution de ces savoir-faire, notre double objectif est donc non seulement de préserver la mémoire collective mais également d’offrir des opportunités économiques à de nombreux jeunes marocains.

Dans un premier temps, notre programme se focalise sur six métiers: le zellige de Tétouan, la sellerie, le tissage des tentes, la broderie de Salé, la blousa Oujdia et la fabrication des instruments de musique. Un/e maître artisan sera identifié pour chacun de ces métiers et chacun sera appelés à former des jeunes âgés de 20 à 25 ans pendant une période moyenne de 8 mois. Une soixantaine de jeunes experts nouvellement formés permettront donc de perpétuer les traditions ancestrales et d’en vivre de façon indépendante. Il ne s’agit que d’une première promotion et, chaque année, un nombre équivalent sera formé à ces métiers.

En 2023, nous commémorons également le 20e anniversaire de la Convention de l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, un jalon essentiel dans la façon dont nous percevons notre héritage culturel. L’adoption de cet instrument normatif international par l’Unesco a marqué un tournant dans notre compréhension du patrimoine, en reconnaissant que celui-ci englobe les aspects vivants et dynamiques de la culture humaine, dans toute sa diversité et sa complexité.

Des projets stratégiques pour promouvoir le patrimoine culturel immatériel, comme celui lancé sous l’égide du ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’éEconomie sociale, comme bien sûr d’autres projets qui sont en cours sous l’égide du ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, peuvent avoir un impact exceptionnel sur les moyens de subsistance des femmes, des jeunes et des communautés défavorisées. 

Cela est vrai en temps normaux, mais revêtira par exemple encore plus d’importance pendant la période de reconstruction dans les zones du pays affectées par le terrible tremblement de terre que le Maroc vient de subir.

De tels projets s’inscrivent dans la droite ligne des efforts mondiaux pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies et dans la droite ligne de tous les efforts du gouvernement marocain. Pour l’Unesco, il s’agit notamment de contribuer à «protéger et sauvegarder le patrimoine naturel et culturel mondial» (Objectif 11 des ODD) et de «promouvoir un tourisme durable qui crée des emplois et valorise la culture et les produits locaux» (Objectif 12 des ODD). 

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Incarner l’essence même de la société marocaine contemporaine

Selon les données les plus récentes, l’industrie artisanale marocaine implique environ 20% de la population active et contribue à hauteur de 7% au produit intérieur brut (PIB). Elle compte plus de 2,4 millions de travailleurs et travailleuses, principalement dans le secteur artisanal traditionnel, avec une forte représentation des femmes qui constituent 80% de la main-d’œuvre. En outre, elle revêt une importance particulière pour les communautés rurales, où elle constitue une source de revenus essentielle.

Cependant, ce précieux trésor demeure fragile et se trouve confronté à la menace persistante de sa disparition. Comme dans tous les autres pays du monde, l’artisanat et les arts populaires se trouvent vulnérables face à l’essor rapide de la modernisation, alors que, au lieu de demeurer figés dans le passé, l’artisanat et plus généralement le patrimoine culturel immatériel marocain ont le potentiel d’incarner de manière continue et dynamique l’essence même de la société marocaine contemporaine.