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On a dépassé 1,5 °C. Fin de partie pour le climat?

Par Dr Ailie GALLANT - Kimberley REID - - | Edition N°:6603 Le 21/09/2023
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Dr Ailie Gallant est professeure agrégée à l’École de la Terre, de l’atmosphère et de l’environnement de l’Université Monash

Kimberley Reid est chercheur post-doctoral en sciences atmosphériques, Université Monash

Juillet 2023 a été le mois le plus chaud jamais enregistré. Encore plus alarmant, l’Agence spatiale européenne (ESA) a annoncé que les records de chaleur de cet été ont fait grimper les températures moyennes mondiales 1,5°C au-dessus de leur niveau moyen de l’ère pré-industrielle.

À la une de nombreux journaux, cette nouvelle inquiétante semblait indiquer que nous avions dépassé l’objectif de l’accord de Paris signé en 2015, qui devait pourtant contenir le réchauffement à 1,5 °C. Et cela, environ dix ans plus tôt que prévu.

Les dés sont-ils vraiment jetés? Sommes-nous définitivement fichus?

Comme tout ce qui a trait au changement climatique, ce n’est pas aussi simple. Ce seuil a été franchi pendant un mois, avant que les températures moyennes ne finissent par redescendre. Mais juillet 2023 n’a rien d’une première: cet insigne honneur revient à février 2016, où ce seuil avait déjà été franchi pendant quelques jours.

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Est-il trop tard pour respecter les engagements de l’accord de Paris? 2023 a battu des records de chaleur et de conditions météorologiques extrêmes (Ph. AFP)

Pourquoi le seuil des 1,5 °C est-il si important?

En 2015, le monde semblait enfin avancer dans la lutte contre le changement climatique. Après des décennies de débats acharnés, 195 nations adoptaient l’accord de Paris, un accord formel mais non contraignant. Avec un objectif clair: limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C  au-dessus des niveaux pré-industriels pour éviter les pires effets du changement climatique.

Mais ce chiffre n’a rien de magique. Chaque augmentation des températures aggrave les effets du changement climatique. Alors pourquoi le seuil de 1,5 °C est-il si important?

Essentiellement parce que les experts l’ont défini comme la limite qui matérialise un danger accru. L’accord de Paris stipule que pour éviter un changement climatique dangereux, il faut maintenir les températures mondiales «bien en dessous de 2 °C» de réchauffement, et c’est ainsi que le seuil de 1,5 °C a vu le jour.

Qu’est-ce qu’un niveau dangereux de changement climatique? En gros, il s’agit d’un niveau de réchauffement où les dommages deviennent si étendus ou si sévères qu’ils menacent les économies, les écosystèmes et l’agriculture. Et nous rapprochent de points de bascule irréversibles, tels que l’effondrement des nappes glaciaires ou des circulations océaniques. Plus important encore, ce niveau de réchauffement risque de nous pousser au-delà des limites de notre capacité d’adaptation.

En d’autres termes, le seuil de 1,5 °C est la meilleure estimation du moment où nous risquons de nous retrouver dans une position difficile.

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Un monde plus chaud rend l’agriculture plus difficile. Cette année, l’Inde a interdit la plupart des exportations de riz en raison des conséquences des conditions météorologiques extrêmes (Ph. AFP)

Est-il trop tard pour contrer le réchauffement climatique?

Dans ces conditions, faut-il baisser les bras? Pas encore.

L’autorité mondiale en matière de changement climatique, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) définit 1,5 °C comme un écart des températures moyennes mondiales par rapport à la moyenne de 1850 à 1900 (période pré-industrielle).

Certes, ce seuil a été dépassé pour le mois de juillet 2023. Mais le climat ne se résume pas à un seul mois.

Les températures moyennes mondiales augmentent et diminuent chaque année, parallèlement à la tendance générale du réchauffement climatique, car les climats varient naturellement d’une année à l’autre.

Les dernières années ont été beaucoup plus chaudes que la moyenne, mais plus fraîches qu’elles n’auraient pu l’être, en raison d’épisodes La Niña consécutifs.

Cette année, le réchauffement s’est considérablement accéléré, en grande partie à cause de l’épisode El Niño qui se prépare dans le Pacifique. Les années El Niño ont tendance à être plus chaudes.

Pour aplanir les différences d’une année à l’autre, on calcule généralement la moyenne des températures sur plusieurs décennies. En conséquence, un rapport du Giec de 2021 définit le seuil de 1,5 °C comme la première période de 20 ans au cours de laquelle on atteint 1,5 °C de réchauffement climatique (sur la base des températures de l’air en surface).

De récentes recherches montrent que la meilleure estimation du franchissement de ce seuil est le début des années 2030. Cela signifie que, selon les définitions du Giec, l’augmentation de la température moyenne de la planète entre le début des années 2020 et le début des années 2040 est estimée à 1,5 °C.

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 L’année 2023 a aussi connu des pics de chaleur relativement tardifs en Europe occidentale, avec des températures anormalement hautes en septembre. Ici des plages bondées aux Pays-Bas en septembre 2023 (Ph. AFP)

                                                 

Dangereusement proche de la ligne rouge

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Tout cela signifie que nous n’avons pas encore échoué à atteindre les objectifs fixés à Paris. Mais le record de juillet nous montre que nous sommes dangereusement proches de la ligne rouge.

Comme le monde continue de se réchauffer, nous verrons de plus en plus de mois comme ce mois de juillet, et nous nous rapprocherons de plus en plus du seuil de 1,5 °C, au-delà duquel le réchauffement climatique deviendra de plus en plus dangereux.

Est-il encore possible de rester en dessous de 1,5 °C? Peut-être. Pour avoir une chance d’y parvenir, il faudrait réduire les émissions de manière extrêmement drastique. À défaut, nous dépasserons probablement l’objectif de Paris d’ici une dizaine d’années. Admettons que cela se produise. Cela serait-il synonyme d’un renoncement à toute lutte contre le réchauffement climatique?

C’est peu probable. Car si 1,5 °C est mauvais, 1,6 °C serait pire. Et 2 °C serait encore pire. 3 °C serait impensable. Chaque dixième de degré compte.

Plus nous resterons proches de la ligne rouge des 1,5 °C, même si nous la franchissons, mieux le monde s’en portera.

Et il est désormais bien établi que même si nous dépassons 1,5 °C, nous pourrions encore inverser la tendance en mettant fin aux émissions et en absorbant les émissions excédentaires de gaz à effet de serre. C’est comme faire demi-tour avec un énorme porte-conteneurs: il faut du temps pour vaincre l’inertie. Mais plus vite nous réussirons à faire demi-tour, mieux ce sera.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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