Rapport de la Cour des comptes Comment les ambassades méprisent leurs agents locaux
«Plus de 7 mois de retard» pour la délégation des crédits par l’administration centrale aux postes diplomatiques et consulaires. Ce qui a un impact sur le paiement des fournisseurs même si le ministère des Affaires Etrangères minimise le phénomène en rappelant qu’une telle opération prend «5 jours». Il met les cas de retard relevés sur le compte notamment du non respect des procédures.
Le rapport 2014 de la Cour des comptes n’a rien signalé sur les dysfonctionnements qui ont été en 2015 à l’origine de la colère royale. Les magistrats sont restés focalisés sur la gestion des ressources humaines ainsi que la gestion budgétaire et comptable des postes diplomatiques et consulaires révélant ainsi de nombreuses anomalies dont certaines occasionnent un coût pour l’Etat. C’est le cas pour les achats de produits au Maroc mais dont le paiement suit un schéma jugé pénalisant puisqu’il est effectué non pas par l’administration centrale mais de l’étranger par le poste diplomatique et consulaire. «Ce genre d’opération peut être effectué directement par le ministère et éviterait ainsi les retards de paiement et les pertes engendrées par les fluctuations de changes».
Le contrôle de la Cour des comptes a révélé certaines surprises comme la non récupération de la TVA par certains postes diplomatiques ainsi que des reports importants et répétitifs des crédits d’investissement dont certains depuis 4 ans. Ils ont atteint 338 millions de dirhams en 2013. Or le risque dans ce genre de report est l’annulation du crédit en question. En tout cas, la loi de Finances 2016 a introduit des mesures qui annulent de droit les crédits reportés et qui n’ont pas donné lieu à ordonnancement. La mesure concerne tous ceux qui remontent aux exercices 2012 et antérieurs.
Les magistrats se sont également attardés sur le taux préférentiel (taux de change de chancellerie) sur les salaires et l’indemnité journalière de séjour pratiquée en faveur du personnel des postes diplomatiques. Deux constats sont relevés: le dispositif ne dispose pas d’une assise juridique et un grand écart existe entre les taux de change réels et les taux de change préférentiels. «Cet écart dépasse, généralement, le double».
Par ailleurs, la gestion des ressources humaines se caractérise par l’absence de procédures de gestion des agents locaux. Or ce personnel représente 46% des effectifs à l’étranger. En 2013, leur nombre a atteint 1.479 agents, dont 60% sont affectés aux ambassades et 40% aux consulats avec des dépenses en termes de salaires qui ont atteint 338,6 millions de dirhams en 2013.
Le salaire du personnel recruté au niveau local est resté figé pendant plusieurs années alors que pour la même fonction et dans le même poste diplomatique et consulaire, deux agents locaux recrutés durant la même période percevaient des salaires différents. Plus encore, dans plusieurs postes diplomatiques et consulaires, la rémunération était la même pour l’ensemble des agents locaux qu’ils soient administratifs, chauffeurs ou femmes de ménage!
Une mauvaise gestion entache aussi la couverture sociale de ce personnel: non prélèvement de la part salariale, non paiement de la part patronale ou encore prélèvement des cotisations salariales sans qu’elles ne soient pour autant reversées dans les caisses correspondantes. Du coup au 30/04/2014 , l’Etat s’est retrouvé redevable de 42 millions de dirhams d’arriérés de paiement. De leur côté, les dommages et intérêts pour les licenciements jugés abusifs sont évalués à 10,7 millions de dirhams!
Le coût des agents comptables
Les dépenses relatives au réseau des payeurs et agents comptables des postes diplomatiques et consulaires sont évalués à 60 millions de dirhams en 2012. Un montant qui tient compte, uniquement, des salaires, des indemnités journalières du séjour, ainsi que des frais de scolarité et des frais de mission, hors primes éventuelles. A elles seules cinq paieries ( France, Espagne, Italie, Belgique et Pays-Bas) ont représenté plus de 45% du volume des crédits délégués, et plus de 90% du montant des recettes réalisées. Or ces paieries ne sont dotées que de 20% des agents comptables en exercice à l’étranger.
Face à l’importance du coût de l’agence comptable, les magistrats de la Cour des comptes invitent le ministère des Finances et des Affaires étrangères «à réétudier l’intérêt de la présence d’agents comptables dans certains postes diplomatiques et consulaires».