De la menthe toxique dans vos théières

A l’instar des épinards, de la laitue, des choux, la menthe est d’abord achetée pour la qualité de son feuillage (Ph. Bziouat - Le visage a été modifié)
Attention, il y a de fortes chances pour que la menthe que vous mettez dans votre thé soit impropre à la consommation. L’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (Onssa) développe un plan de contrôle intégré de la conformité de la menthe.
La Direction régionale Souss-Massa a alerté le wali sur les taux de non conformité très élevés dans les échantillons de la menthe qu’elle a analysée. Les taux sont dus soit à l’utilisation de produits chimiques non homologués soit à des teneurs élevées en résidus de produits homologués.
Pour les experts de l’Onssa, «la situation est alarmante et constitue un risque sur la santé du consommateur». La Direction régionale demande au wali de la région Souss-Massa d’intervenir auprès des différentes autorités locales pour apporter l’appui nécessaire aux inspecteurs de l’Onssa.
A Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, l’Onssa a procédé à des analyses pour évaluer la présence de résidus de pesticides. Ainsi, 7 échantillons parmi 13, prélevés au niveau du marché de gros et de grands marchés, ne répondent pas aux conditions de sécurité sanitaire.
En effet, les inspecteurs ont découvert que certains producteurs utilisent des produits non homologués pour la culture de la menthe ou des produits homologués, mais utilisés avec des doses présentant un «grand risque» pour la santé des consommateurs. Les délais avant récolte ne sont pas non plus respectés. D’autres producteurs utilisent des produits non homologués. Par conséquent, il est difficile de les retracer et d’en déterminer le délai avant récolte ni même s’ils conviennent à la culture de la menthe.
Pour Khadija Mezroub, experte en horticulture et ex-négociante en produits phytosanitaires, «le problème des insecticides touche beaucoup de produits agricoles tels que les salades, les choux, les épinards, les artichauts… parce qu’ils sont achetés d’abord pour la qualité de leur feuillage». Les experts de l’Onssa conseillent de bien laver la menthe avant son utilisation. Un conseil valable d’ailleurs pour tous les fruits et légumes.
Entamé en avril 2018 au niveau des marchés de gros et des grands marchés, le programme monte d’un cran. L’Onssa déclare que la nouveauté dans son plan de lutte contre la non-conformité consiste en le contrôle des exploitations agricoles, ciblées selon le risque.
En cas de présence de résidus de pesticide dépassant les niveaux tolérés, un PV d’infraction est établi puis adressé au parquet. L’exploitation est neutralisée et la récolte est détruite. Les contrevenants sont obligés de présenter un certificat d’analyse avant d’accéder aux marchés.
«Notre action visant le contrôle des conditions de traitement phytosanitaire de la menthe a pour objectif de sensibiliser les producteurs et de faire en sorte que la menthe soit sécurisée», explique un expert de l’Onssa. La campagne de sensibilisation s’est également déclinée à travers la distribution de dépliant et la diffusion de capsules radio sur l’utilisation des pesticides, les délais avant récolte (après utilisation des produits chimiques)… Le challenge pour l’Office est d’inciter les producteurs à utiliser uniquement les produits homologués pour la menthe, dans les doses et les délais prescrits.
50.000 tonnes produites par an
Un groupe de chercheurs a procédé à une enquête (1) en 2014 auprès de 74 producteurs de menthe dans la région de la wilaya de Meknès-Tafilalt. Ainsi, dans trois régions sur 7 les agriculteurs n’utilisent pas de pesticide sur la menthe. Dans les quatre autres régions, les producteurs recourent à 13 matières actives insecticides et 11 fongicides.
Au niveau national, la menthe occupe une superficie d’environ 3.500 ha pour une production estimée à 50.000 tonnes, dont 4.955 tonnes sont exportées. Certaines zones sont plus connues pour leur menthe telles que Tiznit, Settat et Meknès. Les pesticides possèdent tous, à différents degrés, un potentiel de toxicité. Ils peuvent donc être à l’origine de «risques sanitaires tels que le cancer, la suppression du système immunitaire, la destruction hormonale, la modification de l’ADN, la diminution de la capacité intellectuelle, une reproduction anormale avec des avortements… Environ 54% des cas d’intoxication sont en rapport avec des pesticides à usage agricole et sont source de morbidité et de mortalité conséquente».(1) «Utilisation et risques des pesticides en protection sanitaire de la menthe verte dans le centre-sud du Maroc
Hassan EL ARIF